ENTRE CIEL ET TERRE : L'OLIVIER EN VERS

Edizioni Universitarie Romane / 2017
ISBN 978-88-6022-319-7

L’auberge

Olivier nous avait donné rendez-vous à l’auberge de la terre. Nous étions six amis. La salle était petite, toute emplie d’aube, et nous regardions fumer nos bols de lait. Le silence s’était assis comme toujours à notre table. Conscients de notre ignorance, nous nous taisions. Qui avaient véritablement été nos parents ? Pourquoi s’était-on fait la guerre ? D’où venaient tous ces textes dont nous emplissions indéfiniment nos têtes ? Et pourquoi l’auberge où nous nous étions retrouvés avait-elle été construite ici, au flanc de cette colline râpée, si loin de tout village ? Nous n’en savions rien. Nous n’avions été témoin de rien.

Olivier nous regardait. Il semblait fort comme un arbre. Son corps était ligneux. Et dans la lumière du matin, ses cheveux diffusaient une couleur de feuillage. Lui savait : il avait trois cents ans de plus que nous. Il entendait le murmure de nos questions muettes et en connaissait les réponses.

Il prit son bol entre ses mains noueuses et but.
Puis après un instant, il se mit à nous conter nos histoires. Il posa un secret dans la bouche de chacun d’entre nous et nous enlaça. Bientôt, nous marcherions ensemble à travers les thyms et immortelles, dans un pacte de paix. Nous devions enfin rejoindre la mer et nous en réjouissions.

La marche

La marche avait été fluide. Nous nous étions coulés dans le lit des chemins. Il y avait eu l’humidité à nos chevilles, le bruit des herbes sèches foulées par nos pas, la fuite de l’animal à notre approche, les chants multiples. Puis le soleil s’était levé et avec lui d’innombrables odeurs. Nous étions six amis et Olivier marchait tantôt en tête tantôt au côté de l’un ou l’autre. A chaque nouvel horizon qui s’ouvrait à nos vues, nous apprenions. A chaque mot prononcé par notre compagnon, son bois fortifiait un peu plus nos esprits. Olivier nous guidait à travers les garrigues. Le jour passait précieusement.

L’Histoire se propageait dans l’air ouaté. Et nous inspirions profondément.

En fin d’après-midi, nous sentîmes nos souffles se charger le sel.
La mer.

Nous avons gravi le dernier col et nous sûmes que nous étions arrivés. En contre-bas, la mer se déployait devant nous, immense. Le jour commençait de finir et la lumière déjà se délitait.

Olivier se tenait debout à quelques pas de nous. Il nous adressa un sourire entendu et posa son regard loin dans la houle. Il tendit ses bras tout autour de lui et nous crûmes l’espace d’un instant voir ses doigts s’allonger vers le ciel. Sa peau d’écorce nous renvoyait une lueur orange. Ses jambes se mêlèrent à la terre. Nous étions six amis, lovés contre son torse, allongés dans sa souche.

Le silence était là de nouveau, enveloppant. Et devant nous, étale, la Méditerranée.

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